Le Burn-Out de la Question Islamique
Ghaleb Ben Cheikh versus Yves Thréard
Modérateur: Sylvain Attal
L’Islam en tant que civilisation et la tradition religieuse islamique connaissent actuellement une crise qui dure depuis longtemps. Il suffit d’observer ces entités religieuses comme par exemple Daech, qui terrorisent de larges parties des continents africain et asiatique, afin de comprendre que l’approche politique et théologique de l’Islam est à ce jour, totalement sclérosée.
La question islamique, un burn-out ?
La question islamique est épineuse et importante, elle est en outre le centre d’enjeux nationaux et internationaux. Il est nécessaire que cette réalité soit reconnue à l’international sans se cacher derrière les multiples écrans de fumée trop souvent utilisés par tous les acteurs qui la traitent. Cela serait une façon de ne pas contribuer au climat général, dualité hystérisante autant qu’hystérique.
« Le monde de l’Islam », terme récent créé par Ferdinand de Lesseps durant l’inauguration du canal de Suez, est perclus de pluralités et d’antagonismes. Cette appellation est inexacte, bien que l’Islam pose des questions qui en plus d’autres défis d’envergure, implique des enjeux civilisationnels importants : considérer « Le monde de l’Islam » comme un tout monolithique est inapproprié. Ces défis sont variés : gouvernance, démocratie, éducation, pesanteur sociale, accompagnement de la révolution numérique. Ils nécessitent que de nouvelles fondations de la pensée théologique islamique soient mises en place.
Ces nouvelles fondations permettraient de lutter contre l’indigence intellectuelle, la déshérence culturelle et la dégénérescence civilisationnelle sur la question islamique. L’état actuel de cette problématique peut sembler anormal, lorsque cette question est observée à travers le prisme de l’histoire et révèle le monde arabo-musulman comme une civilisation impériale à l’architecture palatiale ayant grandement contribué au corpus du savoir universel.
L’arrivée rapide des prochaines élections présidentielles mène la France à un moment charnière. La comparaison avec le voisin allemand, tantôt source d’admiration et d’indignation dans l’hexagone, peut être faite. En effet, les récentes élections générales en Allemagne ont été une preuve de différences profondes en ce qui concerne le traitement de la question de l’Islam. En effet, le mot Islam n’a jamais été prononcé durant ces élections en Allemagne, pays qui a pourtant assimilé plus d’un million de musulmans de toutes ethnicités. En France métropolitaine, cette question se pose pourtant avec une certaine pesanteur, contrairement à son voisinage et aux autres parties du territoire français. Il y a dans le pays une focalisation sur le vil, le pervers, le négatif et le maladif, poussant les individus à observer la société française à travers l’unique canal de la revue détective et contribuant à l’atmosphère anxiogène dans laquelle la France se trouve aujourd’hui.
Malgré tout, la comparaison entre ces deux pays n’est pas entièrement valide, à cause de leurs passés respectifs notamment. La situation politique actuelle de ces deux pays concernant le sujet de l’immigration est certes similaire mais la France contrairement à l’Allemagne ne possède pas un passif aussi récent que lourd sur des questions proches. La France est un pays où les musulmans sont nombreux depuis le temps de Napoléon III. De plus, elle a noué une relation très particulière avec ses colonies, ne s’étant pas uniquement focalisée sur l’aspect commercial de la colonisation comme son voisin britannique, mais aussi sur l’aspect culturel. Les nations ayant un peuple majoritairement musulman se trouvant anciennement sous le joug de l’empire colonial français n’ont pas accepté la continuité de la domination française sur le plan culturel dans un monde post colonial. Ces difficultés n’ont pas empêché l’immigration des populations musulmanes sur le territoire français mais servent à expliquer les tensions sous-jacentes au sein de l’hexagone. Tensions nées du malaise d’une part de la population qui manifeste son incompréhension vis-à-vis d’une culture française qui tend à être assimilatrice et intégratrice.
Ces mouvements démographiques, accompagnés de la sécularisation de la nation française et de l’évolution de ses mœurs ont mené au changement de la société métropolitaine française. Une société qui, au fil du temps, est devenue plus diversifiée et moins religieuse au point d’en être déchristianisée. Comme en témoignent par exemple, les changements sociétaux ayant un rapport avec la raréfaction de la famille traditionnelle, liés à l’émergence et à la normalisation des familles recomposées, mixtes et monoparentales. Il y a donc une condensation multidimensionnelle et multifactorielle qui a mené la France à cette situation. A commencer par le terrorisme qui a fragilisé une nation qui se trouvait déjà victime de multiples failles sécuritaires, identitaires et culturelles. De plus, les carences au niveau du ministre des cultes accentuent ces failles-là. Failles qui nécessitent donc une approche pluridisciplinaire, que ce soit sur le plan culturel, médiatique, politique, psychologique et théologique.
Des solutions sur le débat autour de l’Islam politique
Afin de surmonter ces défis, une solution à quatre temps se profile. Premièrement, pour résoudre la question sécuritaire, il y a un besoin pour les forces de l’ordre et de renseignements d’agir de manière préventive et réactive afin de préserver la vie humaine. Dans un deuxième temps, l’élaboration d’un contre-discours est nécessaire afin d’élaborer une stratégie de contournement et une pédagogie pour lutter contre les idées fanatiques d’une jeunesse troublée. Dans un troisième et quatrième temps, l’établissement d’une réponse éducative et culturelle, accompagnée d’une réponse de la République qui doit chercher à nourrir, protéger et instruire ses enfants, est essentielle.
Ces mesures nécessitent une prise de position et une réponse dure de la part de la France, qui étant un Etat de droit, se doit d’agir dans le cadre du droit. Ce droit qui définit les nations occidentales, n’est pas démuni face à l’attrait que peuvent avoir les religions qui se revendiquent comme étant universelles, ces dernières ne peuvent cependant pas résister à l’attrait de la laïcité si elle est comprise et assimilée par ses adeptes.
La sharia, loi islamique est extrêmement limitée dans ses domaines d’application. D’autant plus que les domaines récents comme les relations internationales, les lois concernant les espaces maritimes et le numérique ne sont absolument pas pris en compte par cette loi, pourtant étendard de l’Islam politique.
Au cours de ces dernières décennies, la France n’a pas su accueillir ni intégrer la grande majorité des immigrés venus s’installer sur son territoire. De plus, elle ne propose pas de projet dans lequel les jeunes musulmans peuvent s’intégrer, laissant la place libre au radicalisme et aux notions allant à l’encontre des valeurs et des idéaux de la république. L’effondrement du PCF, qui avait durant de nombreuses années investi dans la jeunesse des banlieues, n’a fait qu’accentuer ces problèmes. Cette combinaison de facteurs mène à une jeunesse grandement défavorisée qui se trouve sous l’emprise d’un Islam politisé et radicalisé. Des solutions se présentent, notamment à travers l’éducation mais il faut se demander si le modèle de laïcité française est bien utilisé et est capable de faire face à l’instrumentalisation de l’Islam et du débat qui gravite autour. Un débat nécessitant une rigueur sémantique et intellectuelle mais se retrouvant aisément submergé par la manipulation du sentiment religieux.
The KitSon
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